LindiffĂ©rence, la colĂšre et la haine Se sont rĂ©unis pour faire la guerre Aux idĂ©es, au quotidien, Ă  l'amour Alors l'amour pour se dĂ©fendre L'amour a jetĂ© son cƓur en avant Mais c'est fragile un cƓur Et ça ne fait pas peur Alors ne voulant pas ĂȘtre vaincu Alors voyant que ça ne suffisait plus Et qu'il Ă©tait perdu L'amour, l'amour a dĂ©cidĂ© de devenir L'amour guerrier, l'amour
alpha R artiste RenĂ© Simard titre Tourne la page Les paroles de la chanson Tourne la page »RenĂ© Simard RenĂ© Un oiseau d’acier raie l’horizon de la plageGriffe les nuages avion sauvageIl trace Ă  la craie la derniĂšre ligne de l’histoireSur tableau noir comme au revoirNathalie Un avion dĂ©chire le soirRenĂ© Emporte quelque chose de moiNathalie Un signal dans ta mĂ©moireTourne la page...RenĂ© et Nathalie Tourne la pageNathalie Un avion dĂ©chire le soirRenĂ© Me laisse derriĂšre nuit de l’absenceNathalie C’est comme un cri de dĂ©sespoirRenĂ© Comme le tonnerre dans le silenceNathalie Un avion dĂ©chire le soirRenĂ© Emporte quelque chose de moiNathalie Un signal de ta mĂ©moireRenĂ© et Nathalie Tourne la page, tourne la pageRenĂ© C’est un vol de nuitOĂč s’évanouit ton visageComme un mirageDerniĂšre image lĂ -haut tu t’endorsLe coeur au bord des Ă©toilesDouce et fatale et moi j’ai malNathalie Un avion dĂ©chire le soirRenĂ© Emporte quelque chose de moiNathalie Un signal dans ta mĂ©moireRenĂ© et Nathalie Tourne la page, tourne la pageNathalie Un avion dĂ©chire le soirRenĂ© Me laisse derriĂšre nuit de l’absenceNathalie C’est comme un cri de dĂ©sespoirRenĂ© Comme le tonnerre dans le silenceNathalie Un avion dĂ©chire le soirRenĂ© Et laisse des traces d’indiffĂ©renceNathalie C’est comme un cri de dĂ©sespoirRenĂ© Message d’amour Ă  longue distance confortet l'indiffĂ©rence, c'est trĂšs bien trouvĂ©, mais ceux qui les pratiquent le plus rentablement n'apparaissent jamais Ă  l'Ă©cran: ils sont toujours derriĂšre. On ne les verrait pas du tout dans ce long mĂ©trag s'ile nse montraient un peu le bout de l'oreille du haut de la plus haute tour, c'est-Ă -dire sous le masque de la
1Avec la rĂ©duction du pouvoir temporel de l’Église en France, la chanson anticlĂ©ricale semble n’avoir plus de raison d’ĂȘtre et menace de se folkloriser. Pourtant, loin de mourir, elle se diversifie et gagne en nuances. Perdurant aprĂšs 1968, elle met toujours en cause les institutions religieuses, mais aussi les textes sacrĂ©s eux-mĂȘmes et leurs principaux personnages. Bien que la relative confidentialitĂ© du rĂ©pertoire rende pĂ©rilleuse toute prĂ©tention statistique, il semble que JĂ©sus se voit consacrer un grand nombre de chansons profanes, suivi de loin par Marie, Ève, Joseph, Marie-Madeleine, MoĂŻse ou NoĂ©. La religion reste toutefois un thĂšme rare. L’anticlĂ©ricalisme est souvent le fait d’artistes qui – exigeants ou militants – restent confidentiels. Lorsque des interprĂštes cĂ©lĂšbres s’y essaient, ils ne mettent pas en Ă©vidence ce type de chanson dans leur rĂ©pertoire. 2Plusieurs gĂ©nĂ©rations d’artistes cohabitent sur un marchĂ© en Ă©volution constante, tandis que les enjeux sociaux se modifient, ce qui rend nĂ©cessaire un sommaire rappel historique. Si des Ɠuvres issues de la tradition persistent aujourd’hui dans les marges, la religion catholique est perçue comme moins attentatoire aux libertĂ©s publiques qu’un islam que les artistes hĂ©sitent Ă  attaquer et qui n’a pas, jusqu’aux annĂ©es 90, un impact visible sur les ventes de disque. 3Nous verrons toutefois que l’anticlĂ©ricalisme s’est ramifiĂ©. Georges Brassens a renouvelĂ© le genre. MĂȘlant comme lui irrĂ©ligion, tolĂ©rance et parfois consensus, ses Ă©mules ont offert une place nouvelle au texte biblique Ă  l’intĂ©rieur de leurs Ɠuvres. Autrefois anecdotiques ou limitĂ©es Ă  de rapides mentions, les rĂ©fĂ©rences textuelles se multiplient dans le genre peu lĂ©gitime de la chanson Ă  mesure que le texte se dĂ©sacralise aux yeux de la sociĂ©tĂ© française. La connaissance de la culture religieuse n’étant plus aujourd’hui une Ă©vidence, elle devient une connaissance supposĂ©e commune entre le chanteur et son public, donc une source de connivence. C’est pourquoi, au-delĂ  de la diversitĂ© des Ɠuvres, nous tenterons de vĂ©rifier, en analysant trois types de rapports entre texte chantĂ© et texte sacrĂ©, que la chanson anticlĂ©ricale se veut d’autant moins offensive – voire d’autant plus consensuelle – que l’intertextualitĂ© est forte entre la chanson et les livres saints. Évolution historique de la chanson anticlĂ©ricale De la critique des clercs Ă  la concurrence des idĂ©es 4Comme les fabliaux, les chansons ont jouĂ© leur rĂŽle dans la critique sociale mĂ©diĂ©vale et dans la naissance du protestantisme. Le siĂšcle des LumiĂšres, qui n’a pas Ă©tĂ© avare de caricatures, a produit davantage de chansons concernant le clergĂ© en gĂ©nĂ©ral. L’expression chanson anticlĂ©ricale » Ă©voque surtout les luttes qui, au XIXe siĂšcle, ont opposĂ© les rĂ©publicains de gauche et les catholiques. Cette pĂ©riode a produit de nombreuses Ɠuvres violemment militantes qui n’ont presque pas Ă©tĂ© enregistrĂ©es. À la fin de la premiĂšre guerre mondiale, bien avant que ne se dĂ©mocratisent la radio et les microsillons, le dĂ©bat politique s’était largement dĂ©placĂ©, le patriotisme puis le pacifisme Ă©tant partagĂ©s par les croyants et les militants laĂŻcs. 5Lors de la seconde guerre mondiale, la chanson anticlĂ©ricale n’a pas d’existence officielle, et si la propagande vichyste Ă©voque la foi, la RĂ©sistance prĂ©fĂšre une union sacrĂ©e rĂ©unissant croyants et communistes. AprĂšs la guerre, l’essor des centres de vacances et de loisirs fait l’objet d’une concurrence entre les communistes et les catholiques. Pour la premiĂšre fois dans la chanson enregistrĂ©e, la chanson clĂ©ricale va disposer d’une diffusion commerciale non nĂ©gligeable, mĂȘme si le mĂ©lange des genres tend Ă  amoindrir la portĂ©e religieuse du propos. JĂ©sus revient laĂŻcisĂ© 6Le pĂšre Duval, qui enregistre ses premiĂšres chansons dĂšs 1953, prĂ©cĂšde SƓur Sourire dont le succĂšs s’étend aux États-Unis au dĂ©but des annĂ©es 60. Au mĂȘme moment, Jacques Brel, qui a commencĂ© Ă  se faire connaĂźtre par des textes Ă©difiants s’en prend en 1963 aux Bigotes, qui trouvent que Monsieur le curĂ© » est trop bon avec les crĂ©atures ». Les grenouilles de bĂ©nitiers y sont davantage attaquĂ©es que l’Église. 1 Voir en particulier Johnny Halliday, Jesus Christ est un hippie et Michel Polnareff, On ir ... 7Cette derniĂšre n’est pas reprĂ©sentĂ©e comme une source d’oppression, l’État et la police devenant les cibles privilĂ©giĂ©es des chansons contestataires. Aux cĂŽtĂ©s d’un idĂ©al politique rĂ©volutionnaire, un espoir catholique de changement de la sociĂ©tĂ© est portĂ© par une partie des jeunes, devenus pour longtemps les premiers acheteurs de disques. Cela donne naissance Ă  divers phĂ©nomĂšnes musicaux1. 8Mais pour la plupart des chanteurs, la religion n’est pas un vĂ©ritable enjeu idĂ©ologique. Les rĂ©fĂ©rences bibliques ne tĂ©moignent pas d’un dĂ©sir de polĂ©mique. JĂ©sus Christ super star, comĂ©die musicale de 1971 devenue film en 1973, illustre ce phĂ©nomĂšne dans les sociĂ©tĂ©s anglo-saxonnes. En France, Jean Yanne s’illustre en 1972 avec la bande originale de Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Dans la chanson comme dans le film, le thĂšme religieux, quoi qu’apparemment traitĂ© avec autant d’irrespect que la grammaire, sert davantage de prĂ©texte Ă  la dĂ©nonciation de la sociĂ©tĂ© civile. 9Dans la seconde partie des annĂ©es 1970, alors que les curĂ©s dits Ă  guitare » inspirĂ©s par le pĂšre Duval ont disparu, les personnages bibliques restent prĂ©sents dans la chanson. Les prĂȘtres y sont dĂ©sormais moquĂ©s avec plus d’indulgence, cantonnĂ©s aux chansons comiques Ă  thĂšme grivois. La culture catholique semble donc considĂ©rĂ©e comme partagĂ©e par toute une sociĂ©tĂ©, fut-elle laĂŻcisĂ©e. 10Deux attitudes militantes anticlĂ©ricales perdurent cependant la premiĂšre continue d’opter pour l’agressivitĂ©. C’est avec elle que nous allons terminer notre aperçu historique, pour nous consacrer ensuite Ă  la seconde. Elle est issue de Brassens, qui utilise et dĂ©tourne les symboles chrĂ©tiens. AprĂšs avoir observĂ© son Ɠuvre, nous analyseront la façon dont ses Ă©mules renouvellent le genre en y incluant une intertextualitĂ© riche et parfois ambiguĂ«. Les derniers anticlĂ©ricaux face au catholicisme mourant 11Si l’anticlĂ©ricalisme politique du dix-neuviĂšme siĂšcle a survĂ©cu dans la chanson française jusqu’à nos jours, LĂ©o FerrĂ© y est pour beaucoup. Du fait de la longueur exceptionnelle de sa carriĂšre, il a contribuĂ© Ă  rendre ses idĂ©es actuelles pour plusieurs gĂ©nĂ©rations de crĂ©ateurs. DĂšs 1949, il Ă©tait Ă  la fois l’un des premiers artistes d’aprĂšs-guerre et le dernier des chansonniers Ă  proposer une dĂ©nonciation de l’Église. Monsieur Tout blanc est une accusation contre le silence de Pie XII pendant la guerre. CensurĂ©e, elle n’aura aucun impact Ă  sa crĂ©ation, ni mĂȘme lors de son premier enregistrement. La plupart des chanteurs engagĂ©s des annĂ©es 70 disparaissent avec l’arrivĂ©e de la gauche au pouvoir en 1981 – sans avoir d’ailleurs laissĂ© d’autres chansons anticlĂ©ricales notables que Le Sabre et le goupillon de Jean Ferrat. Seul LĂ©o FerrĂ©, pourtant en retrait, devient une lĂ©gende, notamment pour Bernard Lavilliers. Ces deux artistes forment un pont entre la poĂ©sie engagĂ©e du XIXe siĂšcle et les contestations les plus rĂ©centes – le punk et l’underground des annĂ©es 80, la scĂšne rock des annĂ©es 90 notamment. L’anticlĂ©ricalisme n’est qu’un thĂšme mineur de leur rĂ©pertoire mais il n’a jamais Ă©tĂ© vĂ©ritablement abandonnĂ©. 12Il ne reste guĂšre de traces des productions indĂ©pendantes du dĂ©but des annĂ©es 1980. La plupart des dĂ©marches artistiques novatrices et marginales de l’époque n’ont pas fait l’objet du dĂ©pĂŽt obligatoire auprĂšs de la BibliothĂšque Nationale de France. Le seul artiste engagĂ© dans le combat anticlĂ©rical Ă  bĂ©nĂ©ficier d’une certaine audience reste François Hadji-Lazaro. Il a fondĂ© sa propre maison de disque et créé les groupes Pigalle et Les Garçons Bouchers. Sur l’album François dĂ©texte Topor, paru en 1996, l’interprĂšte met en chanson une sĂ©rie de textes du plasticien, parmi lesquels Cantique, un texte Ă  charge contre les guerres de religion. Dans le mĂȘme temps, les Garçons Bouchers enregistrent Super ce matin j’ai rencontrĂ© Dieu. La critique sociale et politique, familiĂšre Ă  l’auteur, y est retournĂ©e contre le CrĂ©ateur. L’annĂ©e suivante, Crime contre l’humanitĂ© du groupe Pigalle dĂ©nonce le message ambigu du clergĂ© africain contre l’emploi du prĂ©servatif, seul moyen d’enrayer l’épidĂ©mie de SIDA. 13Parmi la gĂ©nĂ©ration scĂ©nique suivante, c’est La Tordue qui exploitera le mieux le thĂšme anticlĂ©rical, y consacrant trois chansons sur ses deux premiers albums. Ces Ɠuvres confirment notre hypothĂšse de dĂ©part, devenant d’autant plus radicales que les rĂ©fĂ©rences bibliques s’y rarĂ©fient. INRI chante l’amertume d’un homme en deuil dĂ©nonçant l’espoir d’une rĂ©surrection Ici pas d’faux dĂ©part 
 Trois jours plus tard et s’en revient ». Il s’agit moins d’une parole d’athĂ©e que d’une rĂ©volte qui semble supposer la foi. Bon dieu, plus traditionnelle, reprend les thĂšmes les plus courants de l’anticlĂ©ricalisme absence de Dieu, dĂ©nonciation des guerres de religion et profession de foi Ă©picurienne de celui qui prĂ©tend trouver le paradis sur terre grĂące aux joies de l’amour physique. Une telle Ɠuvre est encore relativement consensuelle. Plus radicale, Nouveau monde, chantĂ©e sur l’album T’es fou, dĂ©nonce le rĂŽle de l’Église dans la colonisation de l’AmĂ©rique Au nom d’un roi au nom de dieu Ce que l’on peut se rendre odieux BĂ©nir tout en crevant les yeux. 14À l’image du rĂ©pertoire de La Tordue, les chansons anticlĂ©ricales actuelles sont souvent plus ironiques que violentes, et les dĂ©nonciations concernent davantage l’histoire que l’actualitĂ©. 15La dĂ©nonciation de l’intĂ©grisme doit beaucoup Ă  Georges Brassens, qui a rĂ©ussi Ă  concilier le respect des croyants avec la persistance d’une contestation de l’Église. Son Ɠuvre est en effet Ă  l’origine de la chanson anticlĂ©ricale moderne. Le pacifisme, le scepticisme, la tolĂ©rance et les rĂ©fĂ©rences Ă  la culture catholique, omniprĂ©sents dans son Ɠuvre, en ont fait un modĂšle pour les crĂ©ateurs contemporains, initiant un rapport nouveau entre tradition chansonniĂšre et textes religieux. Un anticlĂ©ricalisme moderne et intellectuel Brassens intertextuel la tradition au service de la crĂ©ation 16Georges Brassens n’a jamais fait mystĂšre de son anarchisme mais a su rester consensuel. Il est chantĂ© dĂšs le dĂ©but de sa carriĂšre aussi bien par des scouts que par des animateurs communistes de centres de loisir. Le fait qu’il adopte toujours un ton souriant pour Ă©noncer des propos polĂ©miques n’est qu’une des explications. La principale est sans doute que notre chanteur national compose avec des chansons de plus en plus engagĂ©es une Ɠuvre toute en nuances. 17Celle-ci contient plusieurs dizaines d’occurrences du mot Dieu et de nombreuses allusions Ă  la religion. Un grand nombre d’entre elles sont anecdotiques. Lorsque le sujet religieux est rĂ©ellement abordĂ©, les propos anticlĂ©ricaux sont toujours tempĂ©rĂ©s par des signes de sympathie adressĂ©s aux croyants. DĂšs ses premiĂšres chansons, contemporaines des succĂšs du PĂšre Duval, l’individualisme ainsi que le mĂ©pris des lois et des institutions s’affirment. Toutefois, La Mauvaise rĂ©putation ne suggĂšre l’irrĂ©ligion que par ses allusions aux prophĂštes Pas besoin d’ĂȘtre JĂ©rĂ©mie / Pour d’viner l’sort qui m’est promis » et au Vatican Je ne fais portant de tort Ă  personne / En suivant les chemins qui n’mĂšnent pas Ă  Rome ». Elles ne sont aisĂ©ment comprĂ©hensibles que pour des familiers de la culture judĂ©o-chrĂ©tienne. 18Le second album, avec une chanson dont le titre est voisin, Je suis un voyou, rend plus explosif le mĂ©lange des genres le discours du personnage, accompagnĂ© d’une musique tout aussi allĂšgre, mĂȘle croyance et irrespect total J’lui ai dit de la Madone Tu es le portrait » Le bon Dieu me le pardonne C’était un peu vrai Qu’il me le pardonne ou non D’ailleurs je m’en fous. 19Le mĂ©pris de la religion existe donc dans un contexte oĂč la foi, fut-elle associĂ©e Ă  un ordre social contestĂ©, semble naturelle. Le Ciel et Dieu n’apparaissent souvent qu’en toile de fond. 20Pour aller plus loin dans la critique, Georges Brassens s’abrite d’abord derriĂšre d’autres poĂštes. En 1954, alors qu’il assoit sa popularitĂ© naissante grĂące Ă  la Chanson pour l’Auvergnat, personnage que le narrateur recommande au PĂšre Éternel », il enregistre La PriĂšre, dont le texte est de Francis James. Le titre qui dĂ©nonce les malheurs du monde sous forme d’un rĂ©quisitoire, rendant ironique le refrain je vous salue Marie », se termine sur une action de grĂące. Le sens global de la chanson, qui s’adresse aux chrĂ©tiens par de nombreuses rĂ©fĂ©rences, reste ambigu la rĂ©paration finale n’efface pas l’impression pathĂ©tique laissĂ©e par quatre couplets. Il faut par ailleurs noter que Georges Brassens a Ă©crit sa propre chanson consacrĂ©e Ă  l’existence du mal sur terre, mais ne l’a pas enregistrĂ©e lui-mĂȘme. Dieu s’il existe, dont le refrain Ă©nonce gaiement Dieu s’il existe, il exagĂšre », n’aborde le problĂšme qu’avec une dĂ©sinvolture qui frise l’ironie, les couplets n’évoquant que les malheurs d’une bergĂšre. 21Deux ans plus tard, en s’abritant cette fois derriĂšre Victor Hugo, Georges Brassens dĂ©sormais vedette incontestĂ©e, s’autorise davantage d’impertinence. La LĂ©gende de la Nonne se prĂ©sente comme une histoire Ă©difiante une novice est foudroyĂ©e par Dieu dans la chapelle oĂč elle a pris un rendez-vous galant. Cependant, le dernier couplet prend ses distances avec les vellĂ©itĂ©s moralisantes d’une histoire peu crĂ©dible. Le refrain qui semble peu en rapport avec le reste de la chanson Enfants voici les bƓufs qui passent / Cachez vos rouges tabliers » prend alors tout son sens il s’agit d’associer la crainte d’une vengeance divine Ă  une superstition enfantine. Le ton du MĂ©crĂ©ant, parue en 1960, est nettement plus moqueur J’aimerais avoir la foi, la foi d’mon charbonnier/ Qui est heureux comme un pape et con comme un panier. » En raison d’une diĂ©gĂšse plus comique que vraisemblable et d’allusions grivoises qui lui donnent son attrait, la chanson semble peu idĂ©ologique, si ce n’est dans sa conclusion Si l’Éternel existe, en fin de compte il voit Qu’je m’conduis guĂšre plus mal que si j’avais la foi. 22On retrouve ici l’éthique des chansons de Brassens, mĂ©lange de rectitude morale, d’optimisme et d’indulgence. Il s’agit moins d’une critique de la foi que d’un attachement rĂ©solu au doute, prĂ©sentĂ© ici comme salutaire. Ce n’est pas la religion qui est critiquĂ©e mais les croyants sectaires et un discours affirmant la supĂ©rioritĂ© morale des uns ou des autres. 23L’auteur ne se prive d’ailleurs pas, dans Le Grand Pan, de convoquer le Christ pour critiquer le matĂ©rialisme scientiste qui conduirait Ă  un dĂ©senchantement du monde. Le seul problĂšme de cette position originale est qu’elle ne permet pas forcĂ©ment de produire des Ɠuvres efficaces. Une chanson de trois minutes est moins adaptĂ©e Ă  l’expression du doute et de la nuance qu’à un discours partisan et outrancier, susceptible de combler un public dĂ©jĂ  convaincu. Par ailleurs, aborder le sujet religieux avec une bonne humeur communicative nĂ©cessite une dose de foi ou d’irrespect. 24Georges Brassens va d’abord contourner le problĂšme le thĂšme se fait plus rare et les mĂ©taphores utilisant un vocabulaire ecclĂ©siastique sont plus anodines. À la fin des annĂ©es 60, toutefois, l’affrontement est de retour. Au moment oĂč la libĂ©ration sexuelle lui permet de produire ses plus belles chansons grivoises, la confrontation avec la morale de l’Église est directe. Misogynie Ă  part, et plus encore L’AncĂȘtre, font apparaĂźtre l’opposition entre piĂ©tĂ© et Ă©picurisme. 25La Religieuse, enregistrĂ©e Ă  la mĂȘme Ă©poque, est une nouvelle tentative pour cultiver l’ambiguĂŻtĂ©. Si la morale est sauve Ă  la fin de la chanson, la provocation due au mĂ©lange des registres est rendue peu efficace par la musique, dĂ©pourvue de toute trace d’humour On ne verra jamais la corne au front du Christ Le veinard sur sa croix peut s’endormir en paix Et les enfants de chƓurs se masturber tout tristes. 26Les chansons de Georges Brassens se font alors plus polĂ©miques. Mourir pour des idĂ©es, qui tĂ©moigne d’un nouveau refus de la chanson engagĂ©e, multiplie les mĂ©taphores bibliques et hagiographiques les plus explicites, renvoyĂ©es dos Ă  dos avec les mythes rĂ©volutionnaires comme le grand soir » Les Saint-Jean bouche d’Or qui prĂȘchent le martyre Le plus souvent d’ailleurs s’attardent ici-bas 
 Depuis tant de grands soirs que tant de tĂȘtes tombent Au paradis sur terre on y serait dĂ©jĂ  Mais l’ñge d’or sans cesse est remis aux Calendes. 27Le dernier album de Georges Brassens, paru en 1976, est finalement le plus explicite, rĂ©ussissant le paradoxe d’exprimer le doute avec force. Il contient en effet Ă  la fois deux chansons anticlĂ©ricales et une charge contre l’anticlĂ©ricalisme. MĂ©lanie s’inscrit dans la lignĂ©e des chansons paillardes, et l’auteur, comme pour tempĂ©rer le propos, nous prĂ©vient dĂšs l’abord qu’elle s’inscrit dans une tradition moins militante que culturelle Les chansons de salle de garde ont toujours Ă©tĂ© de mon goĂ»t 
 Pour ajouter au patrimoine folklorique des carabins J’en ai fait une, putain de moine, plaise Ă  Dieu qu’elle plaise aux copains. 28MĂȘme dans un tel contexte, les tribulations comiques du personnage ont tout pour rĂ©jouir le mĂ©crĂ©ant. TempĂȘte dans un bĂ©nitier, chantĂ©e sur le mĂȘme album, est plus offensive encore. L’abandon de la messe en latin fait l’objet d’une controverse qui n’intĂ©resse que les catholiques. La prise de position de Georges Brassens dans ce dĂ©bat anachronique ne peut donc apparaĂźtre que comme ironique, d’autant que le texte utilise les rimes de façon injurieuse O trĂšs sainte Marie MĂšre de Dieu dites Ă  ces putains De moines qu’ils nous emmerdent Sans le latin. 29L’effet de cette chanson est contrebalancĂ© sur le mĂȘme album par La Messe au pendu, un hommage lyrique et solennel rendu Ă  l’action Ă©difiante d’un prĂȘtre. Le tempo lent et l’interprĂ©tation retenue ĂŽtent toute agressivitĂ© Ă  la chanson, qui Ă©voque une messe cĂ©lĂ©brĂ©e en l’honneur d’un condamnĂ©, au nom du refus de la peine de mort. Le dernier couplet montre qu’aucune conviction n’est Ă©branlĂ©e mais le simple fait fait d’exclure un individu de la masse des adversaires contraint l’interprĂšte et son auditoire, si ce n’est au doute, du moins Ă  la nuance AnticlĂ©ricaux fanatiques Gros mangeurs d’ecclĂ©siastiques, Quand vous vous goinfrerez un plat De cureton, je vous exhorte, Camarades, Ă  faire en sorte Que ce ne soit pas celui-lĂ . 30L’Ɠuvre de Georges Brassens pourrait s’arrĂȘter ici, se concluant sur un anticlĂ©ricalisme pacifiste et tolĂ©rant, mais elle est plus riche et plus complexe encore. Un texte posthume – qu’il n’a jamais enregistrĂ© car il attendait pour produire un album d’avoir entiĂšrement Ă©crit le suivant – propose un nouveau rapport de l’auteur au texte biblique. Dans l’AntĂ©christ, Georges Brassens mĂȘle Ă  son commentaire dĂ©sinvolte une réécriture parodique, Ă©voquant le chemin de croix de Ce hĂ©ros qui jadis partit pour aller faire / L’alpiniste avant l’heure en haut du Golgotha ». Le propos devient pourtant sĂ©rieux lors du dernier couplet, ramenant l’auditeur du texte sacrĂ© vers sa condition humaine En se sacrifiant, il sauvait tous les hommes. Du moins le croyait-il ! Au point oĂč nous en sommes, On peut considĂ©rer qu’il s’est fichu dedans. Le jeu, si j’ose dire, en valait la chandelle. Bon nombre de chrĂ©tiens et mĂȘme d’infidĂšles, Pour un but aussi noble, en feraient tout autant. Cela dit je ne suis pas l’AntĂ©christ de service. 31Ce texte fera lui aussi des Ă©mules. La conclusion que nous propose l’auteur – la diffĂ©rence de foi n’exclut pas une communautĂ© de valeurs morales –, trouve son prolongement dans trois catĂ©gories de chansons anticlĂ©ricales, qui sont autant de rapports aux textes sacrĂ©s. 32Les premiĂšres, conformĂ©ment Ă  une tradition ancienne que Georges Brassens a inflĂ©chie, Ă©vitent les textes religieux pour se contenter d’un discours sur les institutions clĂ©ricales. En fonction du message vĂ©hiculĂ©, elles sont considĂ©rĂ©es comme inoffensives – ce qui leur permet de passer Ă  la radio ou Ă  la tĂ©lĂ©vision – ou comme agressives – ce qui entraĂźne de la part des diffuseurs une autocensure prudente. 2 La VĂ©ritable histoire du christianisme 4’58’’, Le Cirque des Mirages, album En public, ... 33D’autres Ɠuvres se servent du texte, enfin dĂ©sacralisĂ©, Ă  des fins burlesques. Elles font un large usage des citations bibliques, soit de maniĂšre exacte Je vous salue Marie » dans La PriĂšre de James dĂ©jĂ  citĂ©e, soit en les dĂ©formant de façon parodique homme de peu de foie »2. Le scandale qu’elles risquent de provoquer tend Ă  limiter leur diffusion au sein des grands mĂ©dias. 34D’autres enfin, se rĂ©fĂšrent au texte en rappelant son contenu moral Ă  des fins rhĂ©toriques. En faisant appel Ă  une communautĂ© de valeurs pour proposer une critique des institutions clĂ©ricales, elles s’avĂšrent parfois capables de toucher les croyants. C’est au sein de cette derniĂšre catĂ©gorie que se trouvent les Ɠuvres les plus marquĂ©es par l’intertextualitĂ©. Leur complexitĂ© limite leur diffusion mais aussi parfois, c’est le risque, leur comprĂ©hension. L’anticlĂ©ricalisme aprĂšs Georges Brassens, une hĂ©rĂ©sie consensuelle et cultivĂ©e L’anticlĂ©ricalisme traditionnel, sans rapport au texte, et ses variantes Ă©purĂ©es 35La critique des institutions religieuses, de la mort de Brassens Ă  nos jours, se concentre, nous l’avons dit, autour d’un nombre rĂ©duit d’arguments. La dĂ©nonciation de la guerre est le plus utilisĂ©. La forme de la chanson se prĂȘte au raccourci historique ou Ă  la narration d’un fait divers. Cela ne signifie pas que le texte soit forcĂ©ment consensuel, mais le passage du temps fait que des vedettes confirmĂ©es peuvent aborder des sujets rĂ©servĂ©s quelques annĂ©es plus tĂŽt Ă  des artistes provocateurs. Ainsi VĂ©ronique Sanson a-t-elle pris de rĂ©els risques et fait l’objet de menaces de mort lorsqu’elle a dĂ©noncĂ© les attentats suicides islamistes dans Allah en 1988, peu aprĂšs la publication des Versets sataniques de Salman Rushdie. Dix ans plus tard, Pierre Perret peut se permettre une dĂ©nonciation plus accusatrice encore des fous de Dieu » dans l’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale. Dans le mĂȘme couplet d’Au nom de Dieu, il reprend d’ailleurs le second reproche le plus frĂ©quent de la chanson anticlĂ©ricale contemporaine, qui concerne le discours sur la contraception. Il n’était utilisĂ©, dans les annĂ©es 80, que par les chanteurs polĂ©miques et Underground tels que Pigalle. Ce type de reproche a, au cours des trois derniĂšres dĂ©cennies, remplacĂ© les attaques traditionnelles contre le clergĂ©, en raison de la rarĂ©faction des prĂȘtres en France et de la mĂ©diatisation toujours croissante des hauts dignitaires religieux, en particulier du pape – attaquĂ© au dĂ©tour d’un vers dans de nombreuses chansons politiques. 36La relative raretĂ© de ces nouvelles chansons anticlĂ©ricales ne doit pas masquer le fait qu’elles peuvent produire un certain consensus, tant qu’elles n’attaquent que les fondamentalistes. De mĂȘme qu’Allah a pu servir Ă  lancer l’album de VĂ©ronique Samson, la promotion de La Vie ThĂ©odore d’Alain Souchon, paru en 2006, a Ă©tĂ© assurĂ©e par le titre Et si en plus, il n’y a personne. L’argument est comparable Si ces vies qui chavirent / Ces yeux mouillĂ©s / Ce n’était que le vieux plaisir / De Zigouiller ». Certes, la chanson semble innover en renvoyant toutes les religions dos Ă  dos Abderrahmane, Martin, David / Et si le ciel Ă©tait vide », mais lĂ  encore, nous allons le voir, le risque Ă  Ă©tĂ© pris douze ans auparavant par un artiste plus audacieux. La parodie des formes et des textes sacrĂ©s, forme intellectuelle de l’anticlĂ©ricalisme 37S’il y a plus de profits potentiels que de risques Ă  critiquer le clergĂ©, la chose se complique lorsqu’il s’agit de faire rĂ©fĂ©rences aux textes sacrĂ©s. La connaissance de l’Ɠuvre originale qu’implique toute parodie contraint l’artiste Ă  ne s’appuyer que sur les passages les plus connus. Seuls les auteurs les plus exigeants s’y essaient, Ă  destination d’un public amateur de chansons Ă  texte. Certains atteignent la cĂ©lĂ©britĂ©, Ă  l’image de la chanteuse Juliette, mais leurs textes anticlĂ©ricaux ne sont pas les plus connus. Oraison, par exemple, est condamnĂ©e Ă  demeurer confidentielle en raison mĂȘme de sa forme une chanson de prĂšs de sept minutes accompagnĂ©e d’une musique de stabat mater ne passe guĂšre en radio. 38MĂȘme lorsque l’Ɠuvre est moins difficile, elle suppose une connaissance partagĂ©e de la culture religieuse. Les auteurs anticlĂ©ricaux ayant souvent subi leur Ă©ducation catholique, leurs textes peuvent ĂȘtre particuliĂšrement blasphĂ©matoires. Nous insisterons davantage ici sur une Ɠuvre enregistrĂ©e en 2003 qui, bien que plus consensuelle, nous paraĂźt exemplaire de ce type de rĂ©pertoire, Ma Bible de Bernard Joyet. Il s’agit bien d’une chanson anticlĂ©ricale mais dont les jeux intertextuels parviennent Ă  fĂ©dĂ©rer le public. Tout est en effet conçu pour prĂ©senter la lecture de la Bible comme une expĂ©rience aisĂ©ment partageable, bien qu’elle soit mise Ă  distance par l’humour L’objet, de prime abord, pourrait paraĂźtre austĂšre Aucune illustration pour mettre en appĂ©tit Le titre sur le cuir est en gros caractĂšres HĂ©las, Ă  l’intĂ©rieur, c’est Ă©crit tout petit. 39DĂ©sacraliser le livre, c’est Ă  la fois le mettre Ă  la portĂ©e de tous et le considĂ©rer comme ridicule. Ce qui rapproche l’ouvrage de l’auditeur, c’est son impact sur la sociĂ©tĂ© laĂŻque, qui contribue Ă  le rendre concret DĂšs qu’un drame survient, qu’un incident Ă©clate On peut les repĂ©rer sur le calendrier À chaque Ă©vĂ©nement correspond une date Dans la plupart des cas, c’est un jour fĂ©riĂ©. 40Pourtant c’est cette laĂŻcisation qui permet Ă  la distance et Ă  l’analyse d’inaugurer un nouveau type de comique. Il s’agit de considĂ©rer le Livre avec un dĂ©tachement rĂ©servĂ© aux Ă©crits profanes. Le texte est ramenĂ© au statut de simple rĂ©cit, et les personnages deviennent des outils narratifs ordinaires À peine commencĂ©e, l’histoire tourne mal AprĂšs l’intervention qui perturbe un mĂ©nage D’élĂ©ments extĂ©rieurs, un fruit, un animal. 41Les calembours semblent presque innocents, et l’humour peut se dĂ©placer du texte vers les Ɠuvres qu’il a produites Émules de Manet, Delacroix, VĂ©ronĂšse, / Effacez ce nombril que je ne saurai voir ! ». Dans un tel contexte, aprĂšs plusieurs minutes de bonnes humeur inoffensive, les plaisanteries attendues et vĂ©ritablement blasphĂ©matoires sur la virginitĂ© de Marie ou sur les miracles du Christ perdent en grande partie leur aspect choquant. 42La conclusion insiste sur le caractĂšre fĂ©dĂ©rateur du livre, certes dĂ©sacralisĂ© Mon AmĂ©rique Ă  moi, ma Bible en quelque sorte / Mon guide, mon sauveur, mon livre de chevet », mais devenu par lĂ  un point de contact entre croyants sincĂšres et incroyants qui seraient conscients de sa valeur morale Et si je vous convaincs et vous sensibilise Alors pensez Ă  moi quand vous le dĂ©vorez Je convie les bigots, les grenouilles d’église À lire un exemplaire et Ă  s’en inspirer. 43L’intertextualitĂ© n’est par forcĂ©ment synonyme d’un rapport pacifiĂ© au texte, mais en le ridiculisant, elle contribue Ă  le rendre accessible et Ă  lui reconnaĂźtre un intĂ©rĂȘt culturel, voire civilisateur. De retour Ă  Dieu en passant par le blasphĂšme subtilitĂ©s et risques de l’intertextualitĂ© 44L’anticlĂ©ricalisme, toutefois, n’est pas toujours d’humeur joyeuse et tolĂ©rante, et sait se nourrir de colĂšre. Mais l’intertextualitĂ© est un des biais qui permet de tempĂ©rer le blasphĂšme. Une telle dĂ©marche a Ă©tĂ© proposĂ©e par Allain Leprest – l’une des plus fameuses plumes de la chanson française – dans Je ne te salue pas, enregistrĂ© en 1993. Avec une violence qui peut atteindre les trois monothĂ©ismes on peut trouver des injures telles que coupeur de bites en deux », l’auteur s’en prend Ă  un monde imparfait et Ă  son CrĂ©ateur indiffĂ©rent. Pourtant, dans ce contexte, l’intertextualitĂ© joue un rĂŽle apaisant. D’abord parce que le refrain, en forme de priĂšre inversĂ©e Je ne te salue pas / Toi qui te crois mon dieu », suppose une forme de foi. Ensuite parce que les rĂ©fĂ©rences culturelles introduisent de l’humour dans le rĂ©quisitoire Ève aurait eu le droit de faire des tartes au pommes ». Enfin parce que l’allusion au christianisme permet de remettre le blasphĂ©mateur dans la position du suppliciĂ© et du suppliant Un pĂšre j’en ai d’ja un / Qui arrachait les clous / Quand on clouait mes poings ». Dans une longue sĂ©rie d’invectives, les Ă©lĂ©ments intertextuels sont donc ceux qui permettent au monologue de tendre vers le rĂ©tablissement final d’un dialogue Ce peut-il ĂȘtre sans clocher Une insulte pour t’approcher. 45La prĂ©sence du texte biblique permet ici de tempĂ©rer l’anticlĂ©ricalisme, mais nous ne pouvions pas terminer notre analyse sans Ă©voquer un cas limite, dans lequel elle tend Ă  l’annuler. 46Cette chanson est Ă©crite, composĂ©e et interprĂ©tĂ© par Leny Escudero, chanteur engagĂ© des annĂ©es 70, d’origine espagnole. Ayant connu quelques succĂšs grĂące Ă  des Ɠuvres lyriques lĂ©gĂšres, il a enregistrĂ© des chansons rĂ©volutionnaires et anticlĂ©ricales. Son public est donc a priori composĂ© d’incroyants. Aussi, lorsqu’il interprĂšte JĂ©sus dans un texte Ă©crit Ă  la premiĂšre personne, ne s’attend-t-on pas Ă  une Ɠuvre pieuse. Le titre, La Grande Farce, semble d’ailleurs ne laisser aucun doute sur les intentions de son auteur, mais la chanson est interprĂ©tĂ©e d’une façon troublante. Le texte fait alterner les moments de doute et de foi, d’une intensitĂ© toujours plus grande, la Passion, dans tous les sens du terme, s’exprimant au son d’un tango mĂ©lodramatique. L’acmĂ© de la chanson se situe Ă  la fin. Les Ă©motions les plus violentes se succĂšdent alors, exigeant un interprĂšte exceptionnel Je t’ai suivi en tout, jusqu’au dernier supplice Mais je crie maintenant, mais je crie maintenant Sois maudit, sois maudit jusqu’à la fin des temps ! Oh non, je te le jure, je n’ai pas dit cela Oh non, je t’aime, je t’aime et je n’aime que toi Mais j’ai si peur, mais j’ai si peur et j’ai si froid ! Ainsi parlait JĂ©sus sur son chemin de croix. 47Le public de Leny Escudero ne peut entendre, dans ce monologue d’un homme Ă  qui son Dieu ne rĂ©pond pas, une adhĂ©sion au christianisme. Toutefois, l’interprĂ©tation Ă©lĂ©giaque du texte ne permet pas de lui donner un sens conforme Ă  son titre. La compassion du public pour le personnage de JĂ©sus est d’autant plus rĂ©elle que les prestations scĂ©niques de l’interprĂšte sont gĂ©nĂ©ralement bouleversantes. L’Ɠuvre est saluĂ©e pour ce qu’elle est une performance. La vie de JĂ©sus Ă©chappe au discours thĂ©ologique mais suscite, le temps d’une chanson, l’émotion visĂ©e par le texte originel une adhĂ©sion totale au personnage, qui fait disparaĂźtre toute intention parodique. Conclusion 48La laĂŻcisation de la sociĂ©tĂ©, en rendant la chanson anticlĂ©ricale vindicative moins nĂ©cessaire, aurait pu la faire disparaĂźtre. Mais la possibilitĂ© de citer la Bible comme s’il s’agissait d’un texte profane, dans des Ɠuvres qui ne sont plus uniquement des priĂšres, a permis au genre d’évoluer. En cela, la chanson doit beaucoup Ă  d’autres formes d’art, en particulier au cinĂ©ma. 49L’intertexte religieux, en s’immisçant dans les chansons anticlĂ©ricales, leur a offert de nouveaux artifices rhĂ©toriques. Elles peuvent, comme le fait Bernard Joyet, utiliser les citations bibliques directement contre les bigots. Elles peuvent Ă©galement se livrer Ă  des citations parodiques, l’humour attĂ©nuant par fois l’offense. Elles peuvent enfin, dans une sociĂ©tĂ© laĂŻque, dialoguer avec des croyants dont les pratiques voire les convictions fluctuent mais dont l’attachement aux textes sacrĂ©s demeure. 50La chanson anticlĂ©ricale, comme les autres, reste un art du clichĂ©. Aux injures agressives du dĂ©but du siĂšcle ont succĂ©dĂ© de nouveaux topoĂŻ, qui mĂȘlent doute amusĂ©, sarcasme et appels Ă  la tolĂ©rance. L’intertextualitĂ©, permettant des interprĂ©tations multiples Ă  partir d’un corpus commun qui serait l’occasion d’un dialogue, aurait donc des vertus pacifiantes. Sans doute faudrait-il s’en rĂ©jouir, si cela ne masquait pas que des luttes sociales et idĂ©ologiques se poursuivent. Face Ă  des institutions religieuses qui ne renoncent pas aux luttes rĂ©actionnaires, le combat fĂ©ministe est encore virulent. L’indiffĂ©rence des mĂ©dias, peu sensibles au sort des femmes, s’ajoute au politicaly correct et aux habitudes procĂ©duriĂšres des associations intĂ©gristes, qui voudraient que les religions soient respectĂ©es au prix d’un rĂ©tablissement du dĂ©lit de blasphĂšme. L’auditeur a donc peu de chance d’entendre un jour AgnĂšs Bihl chanter Ă  la radio le refrain de L’Enceinte Vierge Et dis, Monsieur, qu’est-ce qui s’passerait Si la Sainte Vierge elle avortait.

Cest le bruit de ma tĂȘte quand je pense Ă  toi Mais tu t'en tapes Tu nies ma souffrance par un silence radio J'te demande pardon mais peu importe J'sais que c'est pas bon mais faut que ça sorte Et ça te touche pas, je suis seul au fond J'entends ta voix qui tourne en rond De l'indiffĂ©rence, de l'indiffĂ©rence, de l'indiffĂ©rence Mais dis-moi

J’m’enferme dans ma bulle, je n’regarde personne dans les couloirs de mon esprit Il est dĂ©jĂ  trop tard, il fait dĂ©jĂ  si noir... On a essayĂ©, rĂ©essayĂ©, on est tombĂ©, on s’est relevĂ© comme dans toutes les histoires d’amour sans moralitĂ© Ă  la fin, et mĂȘme Ă  la fin, on a toujours encore un peu faim, et c’est lĂ  qu’on se fait mal, j’m’enferme dans ma bulle... Sur ma vie j’n’ai aucun contrĂŽle, sur ta vie aucun contrĂŽle Je glisse sur le monde qui m’entoure, c’est drĂŽle Dans le mal oĂč je me perds, dans le vide oĂč je me noie Bien sĂ»r il y a mes guerres mais il y a surtout toi Dans le noir des nuits trop claires, dans le silence de mes combats La solitude qui se resserre, des souvenirs qui ne meurent pas. A ce silence, j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© la violence Des cris des pleurs pour moins de douleur Ton indiffĂ©rence m’est la pire des souffrances A ce silence Si tu pars je ne reste pas Si t’abandonnes, je baisse les bras Surtout ne m’en veux pas pour tout ce que je n’suis pas Mais si t’avances, je viens vers toi Si tu m’entends, rĂ©ponds-moi Sans toi je ne prends pas cette vie construite pour moi A ce silence, j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© la violence Des cris des pleurs pour moins de douleur Ton indiffĂ©rence m’est la pire des souffrances A ce silence Comme dans toutes les histoires d’amour sans moralitĂ© Ă  la fin... J’ m’enferme dans ma bulle, je n’regarde personne dans les couloirs de mon esprit Il est dĂ©jĂ  trop tard, il fait dĂ©jĂ  si noir... On a essayĂ©, rĂ©essayĂ©, on est tombĂ©, on s’est relevĂ© ..J’ m’enferme dans ma bulle... A ce silence, j’aurais prĂ©fĂ©rĂ© la violence Des cris des pleurs pour moins de douleur Ton indiffĂ©rence m’est la pire des souffrances A ce silence

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LindiffĂ©rence, l'indiffĂ©rence, l'indiffĂ©rence De ce qui est, de ce qui fut Il reste Ă  nos amours perdus Dans leur silence L'indiffĂ©rence Ce qui devait ĂȘtre un chef-d'oeuvre Notre amour Nos

J'ai beau marquer des mots d'amour A chaque page de ton cahier d'texte Toutes les nuits je rĂȘve du jour OĂč j'recevrais ton SMS Et j'attends un signe de toi Avant qu'on rentre en interro J'ai tatouĂ© ton nom sur mon bras Ă  l'encre de mon stabylo Il fait trop de bruit ton silence Y'a pas de boules Quies pour mon cerveau Je souffre de ton indiffĂ©rence Y'a pas de pansement pour ce bobo Vous me "faisez" bien rigoler Vous les adultes qui "sachez" tout Mais ça m'empĂ©chera pas de crier Toute ma haine, tout mon dĂ©goĂ»t Votre vie est comme un Ă©vier OĂč je vomis tout vos tabous Vous pouvez m'punir me gronder J'l'aimerais toujours comme un fou MĂȘme si... Un jour de toute facon j'te jure C'est moi que "j'auras" du succĂšs MĂȘme toi t'oublieras ce silence Et t'essayera de me reparler Mais ce jour-lĂ  soit en bien sĂ»r Que mon portable sera coupĂ© J'me ferai toutes les filles de France Mais mĂȘme pas toi ça sera bien fait Na, Car que

Parolesde la chanson Silences par Bernard Lavilliers. Dans la rue juste à cÎté, tout parait si calme. On peut dire que c'est l'été, qui berce sa palme. On peut dire que c'est l'enfer, qui te déshabille. Et la honte qui te serre Dans la rue juste à
Voici une chanson qui me met les larmes aux yeux Ă  chaque fois que je l'entends,"l'acteur" de Michel Sardou. Je trouve que cette chanson dĂ©crit bien ce qu'est la vie d'un comĂ©dien ,c'est "vivre et mourir en alternance,vivre et mourir en permanence"car un acteur vit plusieurs vies...De plus, c'estje pense! le rĂȘve de tout acteur de "mourir comme MoliĂšre",sur scĂšne...Paroles de la chansonParoles Jean-Loup Dabadie, Michel Sardou. Musique Jacques Revaux Entrer dans un dĂ©cor immense, Entendre les battements de son cƓur Et lĂ , changer l'indiffĂ©rence En rires et le silence en pleurs. Un jour Don Juan en apparence, Un fou au chĂąteau d'Elseneur, Un jour Lorenzo de Florence, Verser son sang pour le souffleur. Vivre et mourir en alternance, Vivre et mourir en permanence. Il y a des soirĂ©es lĂ©gendaires OĂč la vie se joue toute entiĂšre Des triomphes absolus OĂč aprĂšs les saluts On voit le dĂ©cor Ă  l'envers. Il y a des tournĂ©es de galĂšre, Des couloirs, des villes sans lumiĂšre, Mais le sourire perdu De quelqu'un d'inconnu, Alors le rideau reste ouvert. Vivre et mourir en alternance, Vivre et mourir en permanence. Avoir un soir contre sa bouche L'Ă©toile, la meilleure, la premiĂšre, Pour tant de soirs oĂč l'on se couche Avec une autre partenaire. Un jour, un valet d'insolence, Souffrir comme l'a voulu l'auteur, Se dire que pendant ces absences, Les femmes ont "matinĂ©e" ailleurs. Vivre et mourir en alternance, Vivre et mourir en permanence. Il y a des soirĂ©es singuliĂšres OĂč l'on veut finir comme MoliĂšre, Mais aussi des mardis Et des jeudis maudits OĂč l'on n'veut mĂȘme pas d'un cimetiĂšre. Il y a des idĂ©es passagĂšres, Des colĂšres, des vƓux, des priĂšres, Des Ă©checs imprĂ©vus, Etant bien entendu Que le public est un mystĂšre. Vivre et mourir en alternance, Vivre et mourir en permanence. Entrer dans un dĂ©cor immense, Entendre les battements de son cƓur, Et lĂ , changer l'indiffĂ©rence En rires et le silence en pleurs. Vivre et mourir en alternance, Porter un masque en permanence. Vivre et mourir en alternance, Vivre et mourir en permanence. dites-moi ce que vous en pensez claire Lesilence. publiĂ© le 18 septembre 2012 1 min. Il est l’origine et la finalitĂ© de toute parole. Si bien que la meilleure philosophie s’efforce de garder le silence, plutĂŽt que de le remplir DĂ©tails CrĂ©ation lundi 23 novembre 1970 Publication dimanche 1 avril 2018 Écrit par P. CuĂ©nat Affichages 8377 Sujet niveau PremiĂšre et Terminale Étudier, sous forme de dissertation composĂ©e, les sentiments et l'art de J. Laforgue 18601887 dans ce poĂšme La Chanson du petit hypertrophique. LE TEXTE C'est d'un' maladie d'cƓur Qu'est mort', m'a dit l' docteur, Tir-lan-lair e ! Ma pauv' mĂšre ; Et que j'irai lĂ -bas Fair' dodo z'avec elle. J'entends mon cƓur qui bat, C'est maman qui m'appelle ! On rit d'moi dans les rues, De mes min's incongrues La-i-tou ! D'enfant saoul ; Ah ! Dieu ! C'est qu'Ă  chaqu' pas J'Ă©touff', moi, je chancelle ! J'entends mon cƓur qui bat, C'est maman qui m'appelle ! Aussi j'vais par les champs Sangloter aux couchants, La-ri-rette ! C'est bien bĂȘte. Mais le soleil, j'sais pas, M'semble un cƓur qui ruisselle ! J'entends mon cƓur qui bat, C'est maman qui m'appelle ! Ah! si la p'tit' Gen'viĂšve Voulait d'mon cƓur qui s'crĂšve. Pi-lou-i ! J'suis jaune et triste, hĂ©las ! Elle est ros', gaie et belle ! J'entends mon cƓur qui bat, C'est maman qui m'appelle ! Non, tout l' monde est mĂ©chant, Hors le cƓur des couchants, Tir-lan-laire ! Et ma mĂšre, Et j'veux aller lĂ -bas Faire dodo z'avec elle... Mon cƓur bat, bat,bat, bat ... Dis, Maman, tu m'appelles ? [Le Sanglot de la Terre] [Comme le souhaitait l'auteur dans sa lettre Ă  Mme Multzer cf. infra, ce poĂšme est interprĂ©tĂ© sous forme de chanson ; ici, par Catherine Sauvage] ⁂ INTRODUCTION La connaissance de la vie de J. Laforgue n'est pas nĂ©cessaire, assurĂ©ment, pour expliquer toutes ses Ɠuvres. Peu nous importe que ce fils d'instituteur soit nĂ© Ă  Montevideo, qu'il ait Ă©tĂ© lecteur de l'impĂ©ratrice Augusta Ă  Berlin et qu'il ait Ă©pousĂ© une jeune Anglaise Ă  Londres quelques mois avant de mourir. Qu'il ait frĂ©quentĂ© les milieux symbolistes, qu'il ait connu une vie difficile, des souffrances physiques et morales, voilĂ  qui explique davantage le ton de son premier recueil de poĂšmes Les Complaintes 1885 qui situe ce poĂšte "dĂ©cadent" dans la lignĂ©e qui va de Rutebeuf Ă  nos chansonniers. Le lecteur se demandera sans doute dans quelle mesure la Chanson du petit hypertrophique prĂ©sente quelque caractĂšre autobiographique. Une lettre du poĂšte montre que ce poĂšme, publiĂ© une premiĂšre fois dans la Revue blanche aoĂ»t 1895, puis dans le recueil posthume le Sanglot de la Terre 1902, fut sans doute composĂ©, au dĂ©but de 1882, cinq ans aprĂšs la mort de sa mĂšre. Il Ă©crit alors Ă  Mme Multzer "Au fond, au trĂ©fonds, quand je me replie sur moi-mĂȘme, je retrouve mon Ă©ternel cƓur pourri de tristesse et toute la littĂ©rature que je m'arracherai des entrailles pourra se rĂ©sumer dans ce mot de peine d'enfant, faire dodo avec la facultĂ© de se rĂ©veiller !. Pour tout ceci vous verrez un jour mes vers. La prochaine fois, je vous chanterai la Chanson du petit hypertrophique. Sa mĂšre est morte d'une maladie de cƓur, et il va mourir aussi et il chante pour refrain J'entends mon cƓur qui bat, C'est maman qui m'appelle. Vous mettrez cela en musique". Que la mĂšre de J. Laforgue soit morte d'une pneumonie, que lui-mĂȘme meure plus tard de phtisie Ă  27 ans, n'exclut pas tout caractĂšre personnel ; s'il lui arrive de qualifier d'hypertrophique la musique des remontoirs la Complainte des Montres, on lit dans les PrĂ©ludes autobiographiques de son premier recueil "... Seul, pur, songeur, me croyant hypertrophique !..." Mais l'Ă©rudition est bien inutile pour ĂȘtre sensible Ă  l'Ă©motion de l'enfant qui a "le cƓur gros et Ă  l'art si particulier de cette chanson. COMPOSITION DU POÈME Si chaque strophe a son unitĂ©, on peut cependant observer que les deux premiĂšres expriment sa souffrance, physique et morale ; les deux suivantes montrent son vain effort pour Ă©chapper Ă  la tristesse en cherchant une consolation dans la nature et dans l'amour. Enfin c'est l'aspiration Ă  la mort, refuge oĂč il rejoindra sa mĂšre. LES SENTIMENTS L'inspiration poĂ©tique est tout entiĂšre dans des sentiments trĂšs simples, souvent exprimĂ©s sans doute par d'autres poĂštes, mais qui laissent une impression de sincĂ©ritĂ© et que le lecteur peut aisĂ©ment partager. 1re strophe. Si l'amour maternel est prĂ©sent dans tout le poĂšme, il s'exprime plus spĂ©cialement dans la premiĂšre strophe, avec toute la tristesse inspirĂ©e par une mort rĂ©cente. Les propos du docteur qu'il rapporte sont empreints d'une nuance de pitiĂ© ma pauv' mĂšre et le diagnostic ou le pronostic exprimĂ© en un langage enfantin Que j'irai lĂ -bas, Fair' dodo z' avec elle donne Ă  ce qui l'attend un caractĂšre incertain et presque rassurant ; lĂ -bas, ce n'est pas prĂ©cisĂ©ment la tombe du cimetiĂšre, ni un au-delĂ  redoutable, mais le lieu imprĂ©cis oĂč il retrouvera la sĂ©curitĂ© qu'il Ă©prouvait, enfant, lorsqu'il faisait dodo auprĂšs de sa maman. Laissons Ă  la psychanalyse l'explication bien inutile de ce besoin de tendresse pour noter seulement combien la perspective de la mort est dĂ©pouillĂ©e de toute horreur, douce comme l'espoir de retrouver le sein maternel. Les deux derniers vers nous laissent la mĂȘme libertĂ© d'interprĂ©tation ce cƓur qu'il entend - ou plutĂŽt qu'il sent - battre, est-il le symptĂŽme du mal qui annonce la mort prochaine ? Est-ce, comme un bruit discret, le signal de celle qui l'attend, ou la mĂȘme Ă©motion qu'il Ă©prouvait naguĂšre Ă  l'appel maternel ? Le ton exprime moins l'angoisse, la dĂ©tresse, de l'homme promis Ă  la mort, que l'inconscience de l'enfant qui ignore la mort et n'y voit que la perspective de rejoindre sa mĂšre. 2e strophe. La souffrance morale parmi les hommes s'ajoute Ă  la souffrance physique ; souffrance due Ă  l'attitude de la sociĂ©tĂ© envers l'enfant. Sans doute le thĂšme n'est pas nouveau, de l'indiffĂ©rence ou de la raillerie de la sociĂ©tĂ© Ă  l'Ă©gard de ceux qui souffrent, chez les romantiques comme V. Hugo Melancholia, Vigny, ou chez Baudelaire BĂ©nĂ©diction, L'Albatros. Mais ici, c'est d'un enfant infirme qu'il s'agit et non du poĂšte incompris. C'est la dĂ©marche de l'enfant dans la rue qui paraĂźt incongrue, contraire aux bonnes maniĂšres et qui lui donne son allure d'enfant saoul qui titube, alors que c'est son mal qui l'Ă©touffe et le fait chanceler. Les symptĂŽmes du mal sont-ils exacts ? Peu importe. Ce qu'il Ă©prouve, c'est la souffrance, qui mĂ©riterait la pitiĂ© et non la raillerie ; et c'est sa protestation, oĂč la dĂ©tresse l'emporte sur la rĂ©volte ; moi oppose la rĂ©alitĂ© de son mal Ă  l'incomprĂ©hension des autres auxquels le lecteur aurait mauvaise conscience de s'identifier. Le poĂšte rejoint par lĂ  tous ceux qui ont Ă©voquĂ© les dĂ©tresses humaines et inspirĂ© la pitiĂ©, mĂȘme pour les animaux Baudelaire pour les aveugles ou la nĂ©gresse, V. Hugo pour l'Âne ou le Crapaud. Mais la dĂ©tresse de l'enfant nous touche encore davantage et ce cƓur qui bat ne nous permet pas d'oublier le mal qui le rappellera bientĂŽt auprĂšs de sa mĂšre disparue. Et notre cƓur aussi se serre, plus douloureusement encore qu'Ă  la fin de la premiĂšre strophe. 3e strophe. La nature consolatrice ? Tel le poĂšte romantique, celui du Vallon ou de la Maison du berger, l'enfant blessĂ© par le contact des hommes cherche refuge dans la nature. Il erre par les champs, Ă  travers la campagne, comme une Ăąme en peine et sa douleur Ă©clate en sanglot ce sanglot que le recueil prĂȘte Ă  toute la terre. Et pourtant, on sent qu'il voudrait rĂ©primer cette Ă©motion C'est bien bĂȘte. S'il recherche particuliĂšrement les soleils couchants, ce n'est certainement pas par goĂ»t du pittoresque comme tant de romantiques bien qu'il ait composĂ© plusieurs poĂšmes qui portent ce titre, mais par quelque affinitĂ© secrĂšte avec le moment oĂč l'astre va disparaĂźtre, symbole traditionnel de la mort prochaine. Et c'est sans doute pourquoi, sans qu'il en sache la raison j'sais pas, le soleil qui devait le consoler lui rappelle l'image obsĂ©dante de ce cƓur malade, un cƓur qui ruisselle, image Ă  peine dĂ©formĂ©e de l'astre rougeoyant et de ses rayons, qui n'est pas sans rappeler les vers d'Harmonie du soir dont la rĂ©miniscence est plus nette dans Couchant d'hiver, au vers 8. Peut-ĂȘtre J. Laforgue songe-t-il Ă  quelque "sacrĂ© cƓur" comme celui que tend une Madone dans sa Complainte de la vigie aux minuits polaires Un gros cƓur tout en sang, Un bon sang ruisselant, Qui du soir Ă  l'aurore, Et de l'aurore au soir, Se meurt, de ne pouvoir Saigner, ah ! saigner plus encore ! 4Ăšme strophe L'amour impossible. Mais seul un cƓur humain pourrait consoler sa dĂ©tresse. Ah ! si... exprime le souhait sans espoir ah ! combien il serait heureux si la p'tit' Gen'viĂšve daignait accepter son affection, son pauvre cƓur qui s'Ă©puise, consoler son crĂšve-cƓur ! Besoin de retrouver une affection pour retrouver celle qu'il a perdue, besoin d'une consolation dans sa souffrance, d'une compagne dans sa solitude. N'est-ce pas ce qu'Ă  vingt ans il exprimait dans son Excuse mĂ©lancolique ...Je pourrais oublier dans vos yeux de velours, Et dĂ©gonfler mon cƓur crevĂ© de sanglots sourds Le front sur vos genoux, enfant frĂȘle et mignonne. Oh ! dites, voulez-vous ! Je serais votre enfant, Vous sauriez endormir mes tristesses sans causes... Mais quelle dĂ©rision ! Ah, oui ! Soupir amer de celui qui sent combien il est peu fait pour ĂȘtre aimĂ©. Sa souffrance physique et morale jaune et triste est une raison suffisante pour qu'il ne trouve pas la tendresse dont il aurait besoin, auprĂšs de celle qui est ros', gaie et belle. Sentiment qui pourrait nous suggĂ©rer bien des rĂ©flexions sur le destin tragique du mal aimĂ©, mais qui n'est ici que l'acceptation de celui qui ne comprend que trop bien l'indiffĂ©rence de celle qu'il aime. Ce n'est pas chez un enfant qu'on peut trouver les sentiments de Baudelaire dans RĂ©versibilitĂ©. 5Ăšme strophe La mort consolatrice. Il ne reste plus au petit malade qu'Ă  tirer la conclusion de son expĂ©rience, le constat sans rĂ©volte, sinon sans amertume, qui rend vaine toute recherche d'une consolation Non, tout l' monde est mĂ©chant. Si la nature ignore cette mĂ©chancetĂ©, le cƓur des couchants ne suffit pas pour consoler celui qui souffre. Il ne reste plus que "la derniĂšre auberge", la mort consolatrice. Mais elle s'identifie ici avec la mĂšre tendrement aimĂ©e. Pour l'enfant, quel autre refuge dans sa dĂ©tresse que la sĂ©curitĂ© qu'il trouvait en s'endormant auprĂšs de sa mĂšre ? Et cette fois l'Ă©motion semble redoubler, et le ton du dernier vers est celui d'une priĂšre, naĂŻve, de l'enfant Ă  sa maman, qui veut ĂȘtre assurĂ© qu'elle, au moins, ne l'abandonnera pas et voudra bien le rappeler auprĂšs d'elle. L'aspiration Ă  retourner au sein maternel, Ă  la vie intra-utĂ©rine, offrirait Ă  la psychanalyse l'occasion d'un commentaire intĂ©ressant, mais sans doute Ă©tranger aux pensĂ©es du poĂšte. Mais il n'est peut-ĂȘtre pas indiffĂ©rent de rappeler que J. Laforgue, qui n'ignore pas les doctrines pessimistes d'Hartmann, de Schopenhauer, a Ă©tĂ© influencĂ© aprĂšs Leconte de Lisle par les conceptions de la sagesse hindoue qui fait du retour au non-ĂȘtre le but suprĂȘme de la vie. Depuis les PrĂ©ludes autobiographiques qui font allusion au Saint SĂ©pulcre maternel du NirvĂąna, nombreux sont les poĂšmes oĂč cette influence apparaĂźt. On pourrait citer ces deux vers d'un poĂšme de NoĂ«l 1879, Au lieu des Derniers sacrements Ô gouffre aspire-moi ! NĂ©ant, repos divin ... Ô pĂšre laisse-moi me fondre dans ton sein. L'ART DU POÈTE Nous avons vu que les sentiments exprimĂ©s dans ce poĂšme rappellent bien souvent les grands thĂšmes romantiques c'est qu'ils sont des thĂšmes universellement humains. Mais l'originalitĂ© de J. Laforgue est dans leur expression. Au lieu de l'orchestration puissante, mais non exempte de rhĂ©torique, des grands lyriques, on trouve comme il convient dans la chanson d'un enfant un art plus discret, mais pas moins Ă©mouvant, tant par le style que par le ton. Le style prĂ©sente le caractĂšre Ă  la fois familier et enfantin qui rappelle la chanson populaire Ă©lisions, non seulement de l'e muet, mais d'une consonne pauv'mĂšre, ou d'une partie de la nĂ©gation j'sais pas, liaison abusive qui Ă©vite l'hiatus faire dodo z' avec elle rappellent la prononciation du peuple en mĂȘme temps que celle de l'enfant. Et pourtant, si le vocabulaire ou le tour est parfois enfantin faire dodo, maman ; dis, Maman ou celui de la vie quotidienne ma pauv'mĂšre ; la p'tit' Gen'viĂšve ; tout l'monde est mĂ©chant, des expressions plus originales ont moins de naĂŻvetĂ© min's incongrues ; je chancelle ; sangloter aux couchants ; un cƓur qui ruisselle ; le cƓur des couchants, par le vocabulaire plus rare, la construction elliptique ou la comparaison. Mais ce qui rend un accent Ă©mouvant, sans vaine rhĂ©torique, c'est parfois la place d'un mot J'Ă©touff", moi ; ce sont ces exclamations, ces soupirs j'sais pas ... Ah, oui ! Ce qui est propre Ă  J. Laforgue, c'est surtout le ton du poĂšme, qui, tout en ayant un accent profondĂ©ment sincĂšre, mĂȘle l'humour et la tristesse. Cela se manifeste surtout par l'intrusion de la ritournelle du vers 3 de chaque strophe Tir-lan-laire ! La-i-tou ! La-ri-rette ! Pi-lou-i ! Tir-lan-laire ! Cette sorte de dissonance volontaire dĂ©note avant tout le refus des effets traditionnels du romantisme, des "siĂšcles charlatans". Ce n'est pas absence d'Ă©motion, mais condamnation de la grandiloquence qui dramatise les Ă©motions, pudeur de ses propres sentiments. Par une sorte de distanciation, ce qui est parfois chez J. Laforgue ironie du sceptique, est ici accordĂ© avec le thĂšme qu'on veuille y voir l'expression de l'inconscience de l'enfant, la dĂ©rision de ceux qui rient de lui, le jugement qu'il porte sur lui-mĂȘme pour condamner son Ă©motion c'est bien bĂȘte, comme s'il se voyait Ă  travers le regard des autres, on est aussi loin du ton de Tristesse d'Olympio que de l'impassibilitĂ© du Parnasse. S'il nous laisse Ă  interprĂ©ter ses sentiments, nous sentons que la pitiĂ© qu'il inspire ne doit rien Ă  l'artifice. Quant Ă  la versification, si elle n'a rien Ă  voir non plus avec l'artifice, elle n'ignore pourtant pas les ressources d'un lyrisme qui donne au poĂšme .son air de complainte populaire. La strophe de huit vers Ă©vite l'alexandrin pour le vers de six syllabes qui convient mieux au mode mineur, et les vers 3 et 4 n'ont que trois syllabes. La disposition des rimes M, M, F, F, m, f, m., f des strophes impaires, alternant avec la disposition F, F, M, M, m, f, m, f aux strophes paires, introduit une certaine variĂ©tĂ©. Avec la ritournelle du vers 3, la reprise des deux derniers vers comme refrain souligne le caractĂšre de complainte destinĂ©e Ă  ĂȘtre chantĂ©e comme le montre la lettre Ă  Mme Multzer que nous avons citĂ©e. Le rythme ternaire de l'avant-dernier vers, qui scande le rythme du cƓur, semble se prĂ©cipiter dans la derniĂšre strophe par la quadruple rĂ©pĂ©tition du verbe bat, bat, bat, bat. Tout au long du poĂšme, comme dans le dernier vers, le rythme par l'effet que produit la coupe isolant le monosyllabe aux vers 14, 33 et 40 fait mieux sentir l'Ă©motion. Mais seule la diction peut rendre ici sensible tout ce que le vers contient d'inexprimĂ©. CONCLUSION Sommes-nous comme Alceste prĂ©fĂ©rant la Chanson du roi Henri au sonnet d'Oronte ? L'Ɠuvre de J. Laforgue n'a pas le raffinement de l'art d'un MallarmĂ©. Mais aujourd'hui, la poĂ©sie trouve plus facilement audience auprĂšs de beaucoup de jeunes, lorsqu'elle se dĂ©pouille de la rhĂ©torique et du pathĂ©tique romantique ou de l'hermĂ©tisme de certains poĂštes contemporains. C'est peut-ĂȘtre dans ce genre de poĂšmes, comme dans les vers de certains chansonniers, qu'ils peuvent retrouver le chemin de la poĂ©sie. © Pierre CuĂ©nat, ancien Ă©lĂšve de l'ENS, AgrĂ©gĂ© des Lettres, Professeur au LycĂ©e AmpĂšre Lyon, in Les HumanitĂ©s Hatier n° 460, novembre 1970. Texte soumis aux droits d'auteur - RĂ©servĂ© Ă  un usage privĂ© ou Ă©ducatif. . 519 606 218 495 306 369 785 207

chanson l indifférence c est ce silence